INTRODUCTION
Pendant des siècles, l’indifférence a été totale vis-à-vis des violences faites aux femmes, le pater familias régnait en maitre chez lui. La femme n’avait guère de droit, elle était dans
une situation inférieure de dépendance vivant dans ce patriarcat millénaire.
La société européenne autorise et tolère encore la discriminations vis-à-vis des femmes.
L’intimité des foyers a révélé une violence insupportable commises par des hommes sur leur partenaire intime, des violences à l’encontre des membres du foyer, les enfants. Les coups, les
blessures pleuvent, les homicides à l’encontre des femmes, ces féminicides sont environ 3000 par an en Europe.
Le sexisme ordinaire, porteur lui aussi de violences faites aux femmes, de harcèlement, nous les femmes nous le connaissant depuis notre plus jeune âge, à la maison, à l’école, dans la rue,
au travail, dans le mariage, partout.
Nous sommes ainsi conditionnés par notre éducation, notre environnement, les traditions, les religions. C’est une question de pouvoir.
Au fur et à mesure, des recherches ont montré que l’inégalité entre les deux sexes en étaient le ferment.
En 1994, la Conférence Internationale sur la Population et le Développent rassemble 179 pays au Caire et adopte un programme d’action qui reconnait que l’égalité des sexes et le
droit à la santé sexuelle et à la procréation sont essentiels pour réduire la pauvreté et promouvoir le développement.
En 1995, la 4e Conférence Mondiale sur les femmes de l’ONU à Beijing marque un tournant important dans le programme mondial pour l'égalité des sexes. La Déclaration et le Programme
d’action de Beijing, adoptés à l'unanimité par 189 pays, forment un programme pour l'autonomisation des femmes considéré comme le principal document de politique mondiale en matière d'égalité des
sexes.
C’est un tournant historique.
Ce sont développées dans tous les pays des politiques plus égalitaires, avec des changements législatifs.
Le Conseil de l’Europe a été un moteur de cette égalité et nous les femmes, nous lui devons beaucoup.
Il s’est saisi de ce fléau, cette violence faite aux femmes, Car les instruments plus anciens ne l’abordent pas. La Conférence des OING a participé à la rédaction de la
Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ouverte à la signature à Istanbul depuis
2011.
Le premier signataire a été la Turquie. Tous les Etats Membres du CoE l’ont signée sauf l’Azerbaïdjan et la Fédération de Russie. 34 Etats l’ont ratifiée et ils doivent continuer à le
faire selon les propos clairs et déterminés de la Secrétaire Générale du CoE du 15 octobre 2020 pendant notre session plenière de la Conférence des OING du Conseil de l’Europe.
1.PRÉSENTATION DE LA CONVENTION D’ISTANBUL
1.1 Caractéristiques
- La Convention d’Istanbul est le plus ambitieux traité international destiné à s’attaquer à la violence contre les femmes.
- Elle est novatrice, en ce sens qu’il est demandé aux États d’ériger en infraction pénale les diverses formes de violence à l’égard des femmes, dont la violence physique, sexuelle et psychologique, le harcèlement, le harcèlement sexuel, les mutilations génitales féminines, les mariages forcés, l’avortement et la stérilisation forcés.
- Fondée sur la jurisprudence des Cours européenne, la Convention d’Istanbul intègre le principe de «diligence voulue» qu’elle définit comme l’obligation pour les États de «prévenir, enquêter sur, punir et accorder une réparation pour les actes de violence commis par des acteurs non étatiques ».
- La Convention d’Istanbul est le premier traité international comportant une «définition du genre», à savoir les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits qu’une société considère comme appropriés pour les femmes et les hommes. « La nature genrée de la violence à l’égard des femmes, telle que définie par la Convention d’Istanbul résulte d’un fait établi».
- Il est important de souligner que la Convention d’Istanbul découle d’une analyse approfondie des problèmes et des solutions relevées dans divers États. Ce sont donc des bonnes pratiques élevées au rang d’instrument juridiquement contraignant.
1.2. Obligations de la Convention d’Istanbul
Elle exige des Etats qu’ils apportent une réponse globale aux violences faites femmes par « l’approche des 4 P » :
- Prévention de la violence par des mesures s’inscrivant dans la durée qui traitent les causes profondes de la violence et qui visent à faire évoluer les mentalités, le rôle des hommes et des femmes, et les stéréotypes de genre qui rendent la violence à l’égard des femmes acceptable ;
- Protection des femmes et des jeunes filles qui courent un risque avéré et mise en place de services spécialisés d’aide aux victimes et à leurs enfants (foyers, services d’assistance téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, centres d’aide d’urgence ;
- Poursuites des auteurs, y compris en autorisant la poursuite des enquêtes et des procédures pénales si la victime retire sa plainte ;
- «Politiques intégrées», efficaces, coordonnées et globales à mettre en œuvre.
La Convention ne cherche pas à abolir les différences entre les deux sexes, mais combat l’idée que les femmes seraient inférieures aux hommes.
Il est important de relever que la Convention incite les États à agir, à promouvoir les valeurs d’égalité entre les femmes et les hommes, de respect mutuel, dans le secteur de l’éducation.
Mais cela reste de la compétence des États.
Est-ce que donner plus de droit aux femmes est une menace pour la famille ? La Convention demande aux États de garantir la sécurité des victimes, mais elle n’a pas pour objectif
de réglementer la famille.
2. OPPOSITION A LA CONVENTION D’ISTANBUL
Après la Conférence de Beijing, avec l’affirmation des droits des femmes en 1995, il y a eu deux décennies de vrais progrès.
Mais ce qui était des progrès pour certains, était une défaite pour d'autres personnes.
Qu'est-ce qui se passe quand on subit une défaite, un peu comme un parti politique qui perd des élections, on entre en opposition et pendant cette période on se livre à une réflexion
interne, pourquoi avons-nous perdu ? A quoi est-ce dû ? Étaient-ce liés à nos leaders, notre stratégie ?
2.1 L’Église catholique conceptualise son combat contre l’égalité
- Cette lutte rhétorique est d’abord antiféministe.
- Elle a élaboré un arsenal de pensée pour contrer et masquer le mot même d’égalité, avec un vocabulaire qui lui est propre, et qu’elle a réussi à faire passer auprès de la société. C’est une bataille pour laquelle elle a mis en place une stratégie qui met en scène un débat qui opposerait deux camps.
- Un ennemi est créé c'est le genre et la soit disant idéologie du genre, expression forgée par le Vatican est à abattre.
- L’égalité n’est donc pas un impensé de l’Eglise catholique. L’institution la combat en connaissance de cause, elle a été le résultat d’un travail issu de différentes instances revendicatives portées à la fois par le Vatican […] l’Opus dei et par un ensemble d’acteurs catholiques. »
2.2. Une nouvelle rhétorique contre les droits des femmes et pour le maintien d’un ordre social inégalitaire
Nous avons qu’il y a eu l’écriture par le Vatican du “Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques" en 2003. L’entreprise
stratégique du Lexique a été précisément de s’approprier le vocabulaire pour le réécrire […] en un dictionnaire qui explicite la “vérité” que le langage institutionnel des droits des femmes et
des droits sexuels aurait pervertis. Une rhétorique nouvelle audible apparait et va être le support des nouvelles actions. Le discours théologique et moral sur la loi naturelle et la famille
masque la principale bataille du Vatican, qui est de défendre, au niveau politique et social, un droit qui structure toute l’institution et qui disqualifie les femmes.
- Le 1er pilier est l’utilisation du concept de la dignité humaine pour masquer l’égalité comme dans l’autre Déclaration du Caire de 1991, créant l’Organisation islamique de Coopération, où les hommes et les femmes sont égaux en dignité…
- Le 2e pilier est celui de la protection de la famille, hétérosexuelle patriarcale, traditionnelle donc maman, papa, enfants.
- Le 3e élément est la liberté religieuse, en fait ma liberté religieuse passe avant celles de autres, avant les lois civiles.
- Le discours masculin ecclésiastique s’attribue le pouvoir de la parole le fait de détenir et de dire la vérité.
À cela s’ajoute un véritable lobbying pour décider de la vie reproductive des femmes, leur imposer un mode de vie. Il est formé des cadres pour diffuser cette pensée activement.
Mais l’institution s’exprime peu sur les violences faites aux femmes, sur les féminicides, sur les viols, comme dans l’affaire de Récife, où une fillette de neuf ans, enceinte de jumeaux
suite aux viols répétés de son beau-père, avait été sauvée par l’équipe médicale qui l’avait avortée. L’archevêque avait excommunié les médecins et la mère et médiatisé cette condamnation, sans
pour autant excommunier le violeur, Le préfet de la Congrégation des évêques lui avait alors apporté son soutien au beau père. Dans une même histoire, la pédophilie, le viol,
l’inceste, la violence, la mise en danger de la vie d’autrui, même au nom de la vie à naître.
2.3. Les combats s’organisent contre les droits des femmes sont actifs
- Restaurer l’ordre naturel, un Agenda pour l’Europe est un mouvement de plus en plus puissant
- En 2013, des militants américains et européens ont commencé à élaborer des stratégies, axées sur des « objectifs réalisables », pour faire reculer les droits humains dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive en Europe. Des documents sont récemment apparus, révélant au grand jour une stratégie extrémiste précise appelée Restaurer l’ordre naturel un agenda pour l’Europe.
Cette stratégie vise à inverser les lois existantes concernant les droits humains fondamentaux des femmes, en matière de sexualité et de reproduction, tels que le droit au divorce ; pour les femmes, le droit à avoir accès à la contraception, aux technologies de procréation assistée et à l’avortement ; le droit à l’égalité pour les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI) ; ou encore le droit de changer de genre ou de sexe, sans craindre de répercussions légales.
L’Agenda pour l’Europe est le centre de la lutte contre les droits humains dans les domaines de la sexualité et de la reproduction objet des campagnes ci-dessus
- En 2015, Agenda Europe a franchi une nouvelle étape en présentant cinq stratégies thématiques différentes, à savoir
-
- une stratégie contre l’euthanasie ;
- une stratégie pour la liberté de religion ;
- une stratégie pour le mariage et la famille ;
- une stratégie pour s’opposer à la législation anti-discrimination ;
- une stratégie contre la gestation pour autrui.
- En 2016, les militants passent à une étape législative avec le projet de loi déposé en Pologne visant à totalement interdire l’avortement, né de l’Initiative citoyenne de Ordo Iuris intitulée Protection universelle de la vie, une initiative est présentée à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) par le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), ainsi que plusieurs initiatives citoyennes sur le mariage, telles que l’ICE Maman, papa & les enfants et l’Initiative citoyenne pour la protection constitutionnelle du mariage en Roumanie.
- Un manifeste commun de ce mouvement de 134 pages, anonyme et non daté, fournit une perspective juridique détaillée, non pas d’un point de vue religieux mais selon une compréhension sélective de la loi « naturelle » c’est-à-dire les positions des catholiques sur la sexualité, la reproduction, la moralité. Là aussi dans les textes, on évoque les chrétiens, mais lesquels ? Certes pas la majorité des catholiques, certes pas les protestants etc.
- Dans le même temps, on constate la création et la professionnalisation d’OING depuis une vingtaine d’années.
- Après 1000 ans, le 12 février 2016, le pape François et le patriarche orthodoxe Kirill de Moscou se rencontrent à La Havane (Cuba). L’intensité de la lutte apparait à cette époque en Europe.
- Le réseautage transfrontalier grâce à internet et de grandes réunions comme « le Congrès mondial des familles » en 2019 qui s’est tenu à Verone avec Salvani, Italie, qui pourtant n’est pas pour la famille traditionnelle, Marine Le Pen, divorcée, des oligarques russes ou de richissimes américains comme bailleurs de fonds qui ne manquent pas, avec la participation active de l’église orthodoxe russe, l’église catholique. les évangéliques.
- Les mouvements en Europe contre les droits de femmes s’intensifient avec une violence forte dans une dizaine de pays dont la Fédération de Russie. Sous la pression du pouvoir et de l’Eglise orthodoxe, en janvier 2017, la Douma a voté à l’unanimité moins deux voix, une loi qui allège les peines en cas de violences dans le cercle familial. Cette loi commue en peine administrative des actes de violence n’entraînant pas d’hospitalisation, mais considérés jusqu’alors comme un délit pénal passible de deux ans d’emprisonnement.
- Les militants sont des gens d’extrême droite, des intégristes, des fondamentalistes, et ils recrutent largement au-delà de ces lignes.
CONCLUSIONS
On voit apparaitre selon les pays des campagnes quasi similaires, ayant pourtant des objets différents, l’avortement, le referendum contre le mariage pour
tous, l’éducation à l’égalité, la contraception, on peut y mettre ce qu’on veut, les migrants, les musulmans, les LGBT.
Commencent à apparaitre des stratégies pour influencer les évolutions législatives nationales en faveur des femmes, pour revenir sur la ratification de la
Convention d’Istanbul ou mettre en mouvement des oppositions pour empêcher de nouvelles ratifications, cet instrument juridique est devenu une cible.
Dans ce contexte où des régimes très en faveur des religions, très à droite ont été portés au pouvoir, les Etats concernés fustigent la Convention d’Istanbul, objet de leur courroux, alors même
qu’hier ces mêmes Etats la ratifiaient. La Commission de Venise explique clairement ces points.
C’est dans ce contexte que nous avons rédigé la Recommandation au soutien de la Convention d’Istanbul, car la Conférence du CoE et les OINGs qui en sont membres soutiennent les textes du Conseil
de l’Europe et celui-ci mérite vraiment de l’être.